Nouvelle définition de l’exportateur en UE : la note du 3 mars 2020 de la Douane française reprend les notions d’exportateur au sens douanier et d’exportateur au sens fiscal. Notre transposition pratique à partir de 4 cas récurrents.
Cette actu a été complétée en date du 13.07.2020 à la lumière des premiers retours du terrain.
La nouvelle définition de l’exportateur édictée par le Code des Douanes de l’Union (CDU) de 2016 a fait couler beaucoup d’encre et a déclenché moult questions quant à son application pratique.
La Douane française a publié en date du 3 mars 2020 une note aux opérateurs qui abroge toutes les précédentes notes relatives à la nouvelle définition de l’exportateur énoncée au CDU et modifiée en 2018.
Elle traite notamment des entreprises non établies en UE qui n’ont plus le droit, officiellement depuis le 30 juillet 2018, d’être exportateur depuis l’UE et ne peuvent plus figurer en case 2 de la déclaration douanière sur le formulaire DAU (Document Administratif Unique). En France, cette interdiction ne prendra effet qu’à compter du 1er mai 2020 >> reportée au 1er octobre 2020 (notre actu du 2.4.2020)
La note vise également à clarifier l’interaction Douane/Fiscalité des opérations d’exportation, suite à la création des notions d’exportateur “au sens douanier” et d’exportateur “au sens fiscal”. Si en temps normal, les deux se confondent, ils peuvent être, dans certains cas, différents.
Rappel de la nouvelle définition de l’exportateur en UE.
Règlement Délégué (UE) 2018/1063 du 16 mai 2018 (JOUE L192 du 30 juillet 2018).
Article 1, Définitions, point 19) Exportateur :
a) un particulier transportant les marchandises à expédier hors du territoire douanier de l’Union lorsque celles-ci sont contenues dans les bagages personnels du particulier ;
b) dans les autres cas, lorsque le point a) ne s’applique pas :
i) une personne établie sur le territoire douanier de l’Union (TDU), qui est habilitée à décider et a décidé de l’expédition des marchandises hors dudit territoire douanier ;
ii) lorsque le point i) ne s’applique pas, toute personne établie sur le territoire douanier de l’Union qui est partie au contrat à la suite duquel les marchandises doivent être expédiées hors dudit territoire douanier.
Télécharger la note aux opérateurs du 3 mars 2020 et son logigramme publiés par la Douane française.
Nous vous proposons une explication de texte au travers de 4 cas pratiques récurrents.
Cas 1 : un fabricant français exporte en Suisse sous l’Incoterm “CPT Zurich-site final”.
- L’exportateur français est établi sur le territoire douanier de l’UE et a le pouvoir de décider de l’exportation (ici, l’Incoterm le désigne comme étant l’exportateur légitime en capacité de suivre la bonne sortie des marchandises du TDU) : il est donc exportateur au sens douanier selon le 19.b.i). Il sera porté avec son n° EORI en case 2 du DAU.
- En tant que vendeur assujetti à la TVA française et réalisant une exportation exonérée depuis la France, le Français est également exportateur au sens fiscal. Il peut, s’il le souhaite, porter son n° de TVA FR en case 44 du DAU, précédé du code 1005.
- Sa facture de vente s’entend HT selon l’article 262-I du CGI (ou son équivalent art. 146 de la Directive TVA de 2006).
- Pour justifier sa vente HT, il détient notamment le DAU attestant de la sortie des marchandises du TDU (DAU statut SORTIE) où le Français apparaît comme assujetti-exportateur.
Cas 2 : un fabricant français exporte en Suisse sous l’Incoterm “EXW Lyon”.
- Le vendeur français est établi sur le territoire douanier de l’UE mais n’a en revanche pas le pouvoir de décider de l’exportation puisqu’en EXW, il se contente de mettre les marchandises à disposition. Il ne serait donc pas l’exportateur légitime.
- Toutefois, la nouvelle note de la Douane précise que la seule règle Incoterms® ne suffit pas pour décider de l’entité qui assumera le rôle d’exportateur. Les lignes directrices de l’UE du 8.7.2019 précisent quant à elles que malgré une vente EXW (où, en théorie, l’exportateur serait l’acheteur…), les parties peuvent décider de laisser une personne autre que l’acheteur décider de l’exportation hors du Territoire Douanier de l’Union et agir en tant qu’exportateur.
- La note de la Douane recommande aux « opérateurs d’indiquer dans les actes contractuels la personne désignée comme exportateur au sens douanier lorsque cela est nécessaire ». Par expérience, une vente EXW expose le vendeur français qui vend en exonération de TVA à un risque fiscal (ne pas récupérer le DAU en statut Sortie ou les preuves alternatives) et à un risque douanier (le représentant en douane de l’acheteur en charge du DAU n’aura pas respecté les instructions du vendeur français). Cet avis de la Commission de Bruxelles n’est pas de nature à nous aider à bannir l’utilisation de l’EXW en faveur du « FCA Locaux du Vendeur », mais a néanmoins le mérite d’impliquer davantage les parties dans la bonne réalisation de l’opération export. Notre Français qui vend HT reste donc exportateur au sens douanier, porté avec son n° EORI en case 2 du DAU et se doit de travailler main dans la main avec le déclarant en douane de l’acheteur.
- En tant que vendeur assujetti à la TVA française, dans ce schéma, notre Français réalise toujours une exportation exonérée depuis la France, le Français est également exportateur au sens fiscal. Il peut, s’il le souhaite, porter son n° de TVA FR en case 44 du DAU, précédé du code 1005.
- Sa facture de vente s’entend HT selon l’article 262-I du CGI (ou son équivalent art. 146 de la Directive TVA de 2006).
- Pour justifier sa vente HT, il doit récupérer auprès du représentant en douane de l’acheteur le DAU attestant de la sortie des marchandises du TDU (DAU statut SORTIE) où le Français apparaît comme assujetti-exportateur.
- Ce schéma est prévu à l’article 262-I-2° du CGI et détaillé dans d’autres textes fiscaux.
Cas 3 : le fabricant français gère du stock en France qui appartient à sa maison-mère suisse, laquelle ne dispose pas d’établissement stable en UE mais qui exporte depuis la France.
Les exportations vers les pays tiers se faisaient jusqu’à présent au nom de l’entité suisse, portée jusque-là en tant qu’exportateur avec un n° EORI obtenu en UE (depuis 2017, son n° de TVA français apparaissait déjà en case 44). Que va-t-il se passer à partir du 1er octobre 2020 au moment d’exporter vers l’Amérique du Sud par exemple ?
- En tant qu’entreprise non établie en UE, l’entité suisse ne pourra plus figurer en case 2 du DAU en tant qu’exportateur au sens douanier.
- Elle devra désigner une entité établie en UE pour jouer ce rôle selon le 19.b.ii). Cette entité devra de surcroît être partie au contrat à la suite duquel les marchandises doivent être expédiées hors du TDU. Il peut s’agir du transporteur ou du commissionnaire de transport/transitaire chargé d’expédier les marchandises hors de l’UE, du logisticien qui gère le stock. Ici, la filiale française, en tant que gestionnaire du stock et participant à leur préparation et expédition peut également jouer ce rôle. En revanche, certains Etats membres refusent d’accorder le titre d’exportateur au sens douanier à des représentants en douane ou à des représentants fiscaux lorsqu’ils ne jouent que ce rôle.
- Pour décider qui peut agir en tant qu’exportateur selon le 19.b.ii), il convient d’étudier son schéma de dédouanement afin de désigner celui qui peut le mieux jouer ce rôle d’exportateur… au plus pratique pour tous ! Il faut ensuite formaliser par écrit la relation entre l’exportateur légitime et son remplaçant. En effet, l’exportateur au sens douanier est responsable des données du DAU et s’assure que les marchandises sortent effectivement du TDU. Il doit par ailleurs officiellement accepter ce rôle.
- En parallèle, et en qualité de vendeur impliqué dans une exportation exonérée de TVA depuis la France, la maison-mère suisse reste « exportateur au sens fiscal ». En tant qu’entité non établie en UE, elle a l’obligation de désigner un représentant fiscal. Le n° de TVA FR obtenu grâce à ce représentant fiscal sera obligatoirement porté en case 44 du DAU, précédé du code 1005 (souvent, les filiales françaises jouent également le rôle de représentant fiscal des entités suisses et disposent alors d’un 2e n° de TVA FR qui appartient à leur maison-mère).
- La facture de vente du Suisse indiquant son n° de TVA FR, s’entend HT selon l’article 262-I du CGI (ou son équivalent art. 146 de la Directive TVA de 2006). Cette vente HT sera justifiée notamment par le DAU attestant de la sortie des marchandises (DAU statut SORTIE), où le Suisse apparaît comme assujetti non exportateur.
Cas 4 : un Français/A facture son client B/en UE ou hors UE pour un flux à destination de la Russie/C.
- Une donnée qui a son importance dans notre cas : le bureau de douane du client final russe exige la copie de la déclaration douanière export pour procéder au dédouanement import en Russie. Il est donc primordial que la déclaration douanière export émise en France soit établie sur la facture n° 2 (entre B et C).
- Si B est établi en UE, il peut agir en tant qu’exportateur au sens douanier avec son n° EORI. La France exige de plus qu’il soit immatriculé à la TVA française. Son n° de TVA FR apparaîtra en case 44 précédé du code 1005. Dans ce cas, le Français/A qui ne réalise plus la livraison à l’exportation facturera avec la TVA française (ou HT si B dispose d’un contingent d’achats en franchise de TVA selon l’article 275 du CGI).
- Si B n’est pas établi en UE, il ne pourra plus figurer en case 2 du DAU en tant qu’exportateur au sens douanier à partir du 1er octobre 2020. Le traitement douanier et fiscal est celui du cas 3. En complément, ici aussi, le Français/A qui ne réalise plus la livraison à l’exportation facturera avec la TVA française (ou HT selon les modalités indiquées ci-dessus).
D’autres questions intéressantes à traiter :
- Cette notion d’exportateur est-elle appliquée de la même manière dans tous les Etats membres ?
- Quelle est la responsabilité des uns et des autres aux yeux des administrations douanière et fiscale ? Les parties peuvent-elles contractuellement décider autre chose ?
- Qui pour émettre les EUR.1/EUR-MED/A.TR ? Et comment ?
- D’autres solutions pour permettre à A de facturer sans TVA ?
- Quid de la tendance fiscale qui vise à imposer une certaine combinaison d’Incoterms pour permettre la vente HT dans une triangulaire ?
- Les solutions pour satisfaire les exigences documentaires de toutes les parties, notamment la rédaction du document de transport, l’organisation interne à mettre en place pour sécuriser ces opérations et le paramétrage des données dans les systèmes informatiques, etc.