Votre interlocutrice : Madeleine Nguyen-The
Tél : +33 (0)4 72 90 11 46
AccueilANNEES2023Ventes successives, triangulaires, cross-trade : sur quelle valeur dédouaner à l’import, sur la première ou la dernière vente ? Le Canada envisage de changer ses règles, relançant ainsi le débat.

Ventes successives, triangulaires, cross-trade : sur quelle valeur dédouaner à l’import, sur la première ou la dernière vente ? Le Canada envisage de changer ses règles, relançant ainsi le débat.

Serons-nous un jour pleinement fixés et sereins quant à la facture à présenter en douane Import dans le cas de ventes successives ?

Cela concerne les flux impliquant :

  • A-Fournisseur.
  • B-Intermédiaire acheteur/revendeur.
  • C-Acheteur final dans un territoire douanier autre que celui du fournisseur A.

Flux financier : A facture B (facture 1 – première vente). B facture C (facture 2 – dernière vente).

Flux physique : pays A vers pays C.

Question : sur quelle vente doivent être calculés les droits et taxes à l’import dans le pays C ?

1. Commençons par un petit tour d’horizon des pratiques :

Lorsque l’acheteur C est l’importateur sur la déclaration douanière :

  • La grande majorité des douanes réclamera la facture 2, seule facture qu’est censé voir le client final et dernière vente à destination du territoire d’importation, intervenue immédiatement avant l’introduction des marchandises.
  • C’est également la règle en UE depuis la mise en application du Code des Douanes de l’Union/CDU en 2016.
  • Exception aux USA : la “First sale rule” permet au client final C et sous quelques conditions de dédouaner sur la base de la facture 1 (la première vente), et sous réserve que B accepte de dévoiler son prix d’achat à C.

Lorsque l’intermédiaire B est l’importateur dans le pays C : les choses se compliquent. Voici dans les grandes lignes :

  • Dans la plupart des pays du monde, B dédouanera sur la base de sa facture d’achat (n° 1) et soumettra sa facture de vente (n° 2) à la TVA locale au titre d’une vente domestique (en l’absence de mesure fiscale de simplification).
  • En UE : la règle ci-dessus était de mise jusqu’en juillet 2020, date à laquelle la Commission européenne a décidé d’interpréter les articles 70.1 du CDU et 128 du Règlement d’Exécution 2015/2447 de la Commission UE comme suit : en cas de transport direct entre A et C et si la vente entre B et C a déjà été réalisée au moment du dédouanement import, c’est la valeur de cette dernière transaction qui doit être soumise à droits et taxes. Il suffit ainsi qu’une offre soit validée par l’acheteur C pour considérer la 2e vente comme étant “réalisée” (les détails dans notre alerte du 18 octobre 2020). Or, depuis 2020, nous constatons des écarts de traitement d’un Etat membre à un autre et d’une douane à une autre dans le même Etat membre (France incluse).
  • En UK : la dernière mise à jour de leur page “valeur en douane” en novembre 2022 indique que le Royaume-Uni s’est aligné sur les règles actuelles de l’UE.
  • En Suisse : dans une note fiscale de mai 2022 portant sur les ventes successives dédouanées à l’import par B/non-résident suisse : le traitement est différent selon que le transport est organisé par A, par B ou par C. Lorsqu’il est réalisé par B et qu’il dédouane en Suisse en son nom, B a le choix d’utiliser la facture 1 ou 2.
  • Aux USA : la règle de la “First sale rule” s’offre également à B qui peut dédouaner sur la base de la facture 1, même si la livraison est directe à destination de C.
  • Au Canada : à ce jour, ce pays applique en partie la règle de son voisin américain, celle de la “First sale rule” lorsque B, non-résident canadien dédouane en son nom. Il peut donc aujourd’hui utiliser la facture 1 à des fins de valeur en douane. Or, en mai 2023, le Canada annonce vouloir retirer cet avantage aux importateurs non-résidents (Gazette du Canada du 27.5.2023) et envisage d’imposer à tout importateur le dédouanement sur la dernière vente destinée à l’acheteur canadien. Le Canada veut retenir le principe selon lequel les deux ventes sont réputées avoir eu lieu avant l’importation et qu’il n’y a plus lieu de se demander qui est l’importateur officiel ou à quel moment la propriété sur les marchandises a été transférée. Avec cette nouvelle interprétation de la “vente pour l’export à destination du Canada” et du terme “acquéreur”, ce pays souhaite éviter des distorsions de concurrence entre importateurs établis et non établis au Canada et, il va de soi, collecter davantage de recettes pour l’Etat canadien. En clair, le Canada appliquerait la doctrine actuelle de l’UE, suivant ainsi les recommandations de l’OMC. Ce projet est en cours de consultation jusqu’au 26 juin 2023 et démontre encore une fois que rien n’est figé en matière de ventes successives. Mise à jour du 25.6.2023 : la période de consultation est repoussée au 27 juillet 2023.

2. Que dit l’OMC en matière de valeur transactionnelle à retenir en cas de ventes successives ?

La question fondamentale qui se pose dans le cas d’une série de ventes est de savoir quelle vente doit être utilisée pour déterminer la valeur transactionnelle qui servira de base au calcul des droits et taxes ? La réponse est qu’il faut utiliser la “vente pour l’exportation à destination du pays d’importation”. 

L’Accord de l’OMC sur l’évaluation en douane traite de ce sujet dans ses articles 1 et 8 et les nombreux commentaires associés tentent de donner un sens à l’expression “vendues pour l’exportation à destination du pays d’importation”. 

En substance : les membres de l’OMC reconnaissent la nécessité d’un système d’évaluation uniforme. Dans une série de ventes, le fait de déterminer la valeur transactionnelle en se fondant sur la dernière vente répondrait à cette nécessité d’uniformité. L’OMC préconise donc l’utilisation du prix payé par l’acheteur dans le pays d’importation au motif que si le dédouanement import avait été réalisé par lui, il aurait bien payé les droits et taxes sur la base de la facture 2. De surcroît, en cas de contrôle, il serait plus facile aux administrations douanières et fiscales de vérifier les valeurs déclarées dans les registres comptables de l’acheteur local qu’auprès d’un intermédiaire ou d’un fournisseur étranger.

Une fois cette recommandation faite, l’Accord permet néanmoins aux Membres de l’OMC d’appliquer différents traitements dans certains cas… Ce qui explique les disparités d’un pays à l’autre.

En conclusion :

  • Encore beaucoup de tergiversations sur cette notion de vente à retenir pour la valeur en douane import en cas de ventes successives.
  • Cette non-harmonisation mondiale et intra-UE génère une insécurité juridique et, pour certains il est vrai, une distorsion de concurrence par l’application des droits et taxes sur des bases différentes d’un pays à un autre, d’un Etat membre à un autre, d’un bureau de douane à un autre.

A suivre !

Pour vous aider dans ces démarches : 

EORI pour les opéra
UK envisage la créa