Classement SH6 de l’OMD version 2022. Tous les pays ne l’appliquent pas encore. Risque de contentieux douanier.
La Nomenclature du Système Harmonisé sur la base des 6 premiers chiffres (SH6) proposée par l’OMD* est utilisée à travers le monde aux fins du classement uniforme des marchandises échangées à l’échelle internationale.
Sa septième édition, le SH 2022, a été acceptée par toutes les Parties contractantes à la Convention sur le SH. Elle est entrée en vigueur au 1er janvier 2022. La quasi totalité des pays non-membres de l’OMD s’y réfèrent également (au total 212 pays appliquent le SH de l’OMD).
Est-ce à dire que tous les pays du monde classent les produits de la même manière sur la base des 6 premiers chiffres depuis le 1er janvier 2022 ?
Que nenni !
1. La mise à jour des nomenclatures nationales est un processus qui prend du temps.
A partir du SH6 de l’OMD, les pays affinent leur classement en ajoutant d’autres digits (en général 2 à 4 chiffres supplémentaires sur la base de critères propres). Ceci mobilise des ressources au sein des administrations douanières nationales.
Par expérience, à chaque révision quinquennale du SH, les pays industrialisés se mettent au diapason dans les 6 mois de l’entrée en vigueur. L’Union européenne a d’ores et déjà intégré le SH 2022 dans le Tarif douanier en vigueur depuis le 1er janvier 2022.
La Suisse est en cours de finalisation. Les USA l’annoncent pour fin janvier (voir ci-dessous). L’Éthiopie, aidée par l’UE, est devenue le premier pays en Afrique à l’appliquer. Les pays africains de langue portugaise espèrent y arriver à la fin du premier trimestre.
L’OMD prie instamment toutes les Parties contractantes au SH et les Parties non contractantes de notifier au Secrétaire général de l’OMD la mise en œuvre de l’édition 2022 du SH, en indiquant la date de la mise en œuvre effective.
Pour l’heure, il est difficile de savoir qui applique réellement quoi. Vous pouvez tenter d’en savoir plus en passant par la page Actus de l’OMD, ou via les sites nationaux des douanes (TFA database de l’OMC).
2. Il ne s’agit pas simplement de remplacer un code par un autre.
Avec le SH 2022, des descriptions ont été affinées, des codes créés (robot industriel en 842870), mais, plus compliqué à suivre… nombre de notes de sections et de chapitres ont été modifiées (ajout d’une explication pour les téléphones intelligents classés en 8517). Pour rappel : la liste des modifications SH 2022.
L’OMD a mis à notre disposition un outil pour passer d’un code SH6 ancienne version au code SH6 version 2022 : le HS Tracker (notre actu du 16.10.2021). Mais cet outil n’alerte pas sur les nouvelles notes de sections et de chapitres.
Or, un changement de la base à 6 chiffres et/ou de nouvelles notes peuvent générer un nouveau taux de droit de douane ou de nouvelles formalités requises pour autoriser l’export ou l’import.
C’est ainsi que les Etats-Unis ont décidé de reporter aux alentours du 27 janvier la mise en œuvre du SH 2022. En vertu de la loi américaine, les changements doivent être pratiquement neutres en termes de droits de douane. Or, la Douane US a constaté que les modifications du SH 2022 entraînent davantage de hausses que de baisses de droits de douane, que certains produits basculent dans la catégorie des biens stratégiques soumis à autorisation d’exportation et que d’autres perdent leur préférence tarifaire dans le cadre d’accords de libre-échange.
Des exemples sont donnés dans ce podcast de Sandler, Travis & Rosenberg (2 minutes en anglais).
3. Que faire lorsque les pays exportateur et importateur ne sont pas d’accord sur le classement douanier ?
Les discordances ne sont pas nouvelles :
- Les règles de classement proposées par l’OMD sont qualifiées de « règles générales pour l’interprétation du Système Harmonisé ». C’est ainsi que des produits classés en Textile en UE se retrouvent classés en Plastique ou en Dispositif Médical aux USA…
- Tous les pays ne sont pas membres de l’OMD et n’appliquent pas la dernière version du Système Harmonisé ou bien pas au même moment.
- Le niveau de compétences des administrations et des entreprises est disparate et gêne l’harmonisation des classements.
Que faire ?
A défaut de saisir le Comité SH de l’OMD… Nous pourrions commencer par dire que… chacun est maître de sa douane !
Au départ de l’UE, les exportateurs doivent classer les produits selon l’interprétation des règles en vigueur en UE.
En-dehors de la règle Incoterms DDP (delivered duty paid), l’exportateur laisse le soin au destinataire-importateur de classer les produits selon l’interprétation des règles en vigueur dans son pays. En espérant que cela matche !
Mais sur le terrain, il arrive que les importateurs et leurs déclarants en douane reprennent les nomenclatures douanières présentes sur la facture export… avec le risque que celles-ci ne soient pas conformes au Tarif douanier local.
Cette situation peut engendrer des contentieux douaniers qui peuvent ensuite se transformer en litiges commerciaux.
Sans compter les rapprochements douaniers de plus en plus fréquents (la douane import par exemple peut exiger la copie de la déclaration douanière export), mais aussi les pays qui exigent que les nomenclatures douanières soient portées sur les factures. Quid si elles sont discordantes ?
Notre conseil :
- Les nomenclatures douanières doivent faire l’objet d’une discussion dès l’offre commerciale, afin d’anticiper d’éventuels désaccords a minima sur la base du code SH6 (au delà, les différences peuvent être normales si les critères de classement sont différents).
- Dans cette période transitoire, profitez-en pour faire un point sur le classement des produits avec votre partenaire commercial.
- N’hésitez pas à faire valider vos classements par la Douane (RTC/Renseignements Tarifaires Contraignants pour l’UE et autres rulings).
- Si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur une nomenclature du fait d’une interprétation des règles différente par leurs douanes respectives, une des solutions consiste à porter sur la facture export les 2 nomenclatures. Exemple : “European customs code : xxx + American HSTUS : yyy” (sur la base du SH6 ou bien sur la base des nomenclatures nationales complètes).
- Ceci s’applique également à l’importation en UE : se mettre d’accord avec le fournisseur tiers avant la validation de la commande. Dans le cas contraire, transmettre les bonnes nomenclatures à son déclarant en douane !
Pour rappel : notre prochain atelier/webinaire du 27 janvier 2022 sur le classement douanier organisé par CCI Lyon Métropole/Saint-Etienne/Roanne.
*OMD : Organisation Mondiale des Douanes