Votre interlocutrice : Madeleine Nguyen-The
Tél : +33 (0)4 72 90 11 46
AccueilANNEES2024Ventes successives, triangulaires, cross-trade : sur quelle valeur dédouaner à l’import, sur la première ou la dernière vente ? Une nouvelle affaire en cours sur laquelle la CJUE doit se prononcer.

Ventes successives, triangulaires, cross-trade : sur quelle valeur dédouaner à l’import, sur la première ou la dernière vente ? Une nouvelle affaire en cours sur laquelle la CJUE doit se prononcer.

Serons-nous un jour pleinement fixés et sereins quant à la facture à présenter en douane Import dans le cas de ventes successives se terminant en UE ?

En juillet 2024, la Cour de justice de l’Union européenne/CJUE a été appelée à se prononcer sur une question de valeur en douane à retenir dans une affaire de ventes successives impliquant l’industrie du textile et de l’habillement (2 factures pour un seul flux physique).

Pour décider de la valeur sur laquelle calculer les droits et taxes à l’import en UE, la CJUE est invitée à préciser si l’expression “vente à l’exportation” doit être interprétée de manière géographique (export à destination de l’UE) ou commerciale (obligation de mettre en libre pratique voire de commercialiser les marchandises en UE).

L’avis de la CJUE, en attente, pourrait venir préciser ou potentiellement changer la doctrine actuelle sur la valeur transactionnelle à retenir en cas de ventes successives.

Nous vous proposons notre résumé de l’affaire.

Le flux concerné et les griefs à l’encontre de l’importateur.

  • A- Fabricant/Exportateur de textile – Asie.
  • B- Donneur d’ordre/Intermédiaire – Suisse.
  • C- Distributeur/Destinataire des marchandises – Espagne (marque d’articles de textile et habillement).
  • Flux financier : A facture B (facture 1 – première vente). B facture C (facture 2 – dernière vente).
  • Flux physique : transport direct du pays A vers le pays C.

Ici, le distributeur espagnol dédouane en son nom en tant qu’importateur redevable des droits et taxes.

  • Certaines marchandises sont mises à la consommation sur le territoire espagnol ou mises en libre pratique pour revente en UE et dans certains pays export. Les autres sont placées sous le régime de l’entrepôt sous douane en Espagne.

Pour les marchandises mises à la consommation ou en libre pratique en 2014 et 2015, l’importateur a utilisé la 1ère facture de vente pour servir de base à la valeur en douane import. Or, les autorités douanières et la première cour de justice en Espagne ont rejeté ce choix pour retenir la 2e facture à des fins de calcul des droits et taxes.

La raison du rejet : ce choix ne respecterait pas les conditions d’application du régime des ventes successives qui exigent d’utiliser la “vente conclue en vue de l’exportation à destination du territoire douanier de l’UE”. Pour le tribunal, seule la facture 2 correspond à cette définition comme étant celle se rapportant à la vente ayant effectivement conduit à l’importation des marchandises sur le territoire de l’UE.

En conséquence, les droits et taxes devaient être calculés sur cette 2e vente.

L’importateur espagnol quant à lui interprète le texte comme suit : il convient simplement de prouver que la 1ère vente a bien pour destination l’UE (facture et document de transport principal à l’appui) et que les marchandises ont bien passé la frontière d’entrée en UE.

Il ajoute que le régime douanier appliqué à l’import en UE et le fait que les marchandises soient étiquetées selon les exigences pays n’entrent pas en ligne de compte.

N’ayant pas obtenu gain de cause, l’importateur espagnol se pourvoit en cassation et demande la saisine de la CJUE afin qu’elle confirme l’interprétation des textes communautaires.

Les questions préjudicielles posées à la CJUE.

  • En cas de ventes successives, comment faut-il interpréter l’exigence selon laquelle la vente antérieure doit être effectuée “en vue de l’exportation à destination du territoire douanier de l’Union” ?
  • Faut-il non seulement que les marchandises soient introduites sur le territoire douanier de l’Union, mais, en outre, qu’elles soient mises en libre pratique et commercialisées sur ce territoire ?

La CJUE est invitée à statuer :

  • Sous l’égide de l’ancien Code des Douanes Communautaire (CDC) en application jusqu’au 30 avril 2016 : article 29 du CDC et article 147 des Dispositions d’Application (DAC).
  • Sous l’égide de l’actuel Code des Douanes de l’Union (CDU) en application depuis le 1er mai 2016 : article 170, paragraphe 1 du CDU et article 128 du Règlement d’exécution du CDU.

L’issue du pourvoi en cassation dépend de la réponse à ces questions.

Notre retour d’expérience :

  • Les importations ont eu lieu en 2014 et 2015 alors que l’ancien CDC s’appliquait. A cette date, l’article 147 des DAC permettait en cas de ventes successives de dédouaner sur une vente antérieure (la 1ère facture) si celle-ci démontrait que les marchandises avaient été “vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de l’Union” et expédiées directement de A à C.
    • En pratique, lorsque la facture 1 indiquait “facture à B – expédition à C en UE”, document de transport international également à l’appui… et bien entendu, si l’intermédiaire B acceptait de dévoiler son prix d’achat à son client final/importateur.
  • A ce jour, la possibilité offerte par l’ancien CDC de remonter à la 1ère vente a été supprimée par l’article 128 du Règlement d’exécution du CDU qui mentionne que la valeur transactionnelle est déterminée sur la base de la “vente intervenue immédiatement avant que les marchandises aient été introduites sur ce territoire douanier”, sous réserve que cette vente constitue aussi une vente pour l’export vers l’UE.
    • En pratique, l’importateur C/destinataire des marchandises en UE ne peut plus remonter à une vente antérieure. Aujourd’hui, la valeur à retenir pour l’application des droits et taxes est spontanément celle de la 2e facture qui indique “facture à C – expédition à C en UE – depuis le pays A” (aux fins de l’application des mesures du commerce extérieur adéquates).
    • N.B. : l’utilisation de la facture 2 s’applique de la même manière en cas de dédouanement en UE au nom de B/intermédiaire lorsque la 2e vente est déjà “réalisée” au moment du dédouanement import. Lire à ce sujet notre alerte du 18.10.2020 concernant la dernière interprétation de la Commission sur l’article 128 du Règlement d’exécution du CDU. Aujourd’hui, cette ligne directrice est diversement appliquée d’une douane à une autre.

Attendons l’avis de la CJUE puisqu’elle est aussi sollicitée sur la notion de “vente intervenue immédiatement avant que les marchandises aient été introduites sur le territoire douanier”. Ce nouvel avis attendu sera-t-il de nature à revenir sur la dernière interprétation de 2020 de la Commission ?

A suivre !

Liens :

DELTA IE – volet I
Code des Douanes de